« (Cliquez pour agrandir) ».
Georges Courteline avait l’habitude de dire qu’un ministère est l’endroit où ceux qui arrivent en retard croisent dans l’escalier ceux qui partent en avance. Est-ce en raison de ma trop grande présence au sein de la Fonction publique que je me suis découvert une passion pour les escaliers ? L’escalier, œuvre d’art ou objet d’utilité, occupe à Montréal une place prépondérante dans la vie urbaine.
Julien Lebreton a su, par de magnifiques photographies, capter tout l’esprit et l’art qui se dégagent des escaliers de Montréal.
Françoise Ligier, dans Le Français dans le monde, a écrit un beau texte sur les escaliers de Montréal. Notamment ceci : « Pourquoi, dans un pays de neige et de glace comme le vôtre, avoir construit ces successions d’escaliers pour relier la rue aux logements du deuxième et parfois du troisième étage ? Telle est la question la plus fréquemment posée aux Montréalais. Qu’ils soient simples, doubles, jumelés ou en rangée, qu’ils soient en échelle, à quartier tournant, en spirale, en colimaçon, au gracieux déhanchement ou au tortillement mathématique, en forme de L, de S ou de T… ils étonnent. Ils peuvent être humbles ou somptueux, discrets ou flamboyants, gris souris, jaune d’or, vert émeraude… Lorsqu’un chat dort sur leurs marches, qu’un écureuil trotte sur leur rampe la queue en l’air ou qu’une bicyclette y est coquettement appuyée, ils sont abondamment photographiés. Sous un épais manteau de neige, ils peuvent aussi ressembler à une descente de toboggan. Et on rit beaucoup lorsque quelqu’un, sous l’effet du verglas, les descend alors qu’il voulait les monter… Au printemps, les Montréalais lavent et astiquent ces escaliers : ils effacent ainsi toute trace de l’hiver et leur rendent, à coup de pinceaux, une nouvelle jeunesse ».
Françoise Ligier, dans Le Français dans le monde, poursuit : « Les escaliers et les balcons qui les prolongent sont la vitrine de chaque foyer. Les Montréalais y affichent leurs convictions religieuses ou politiques, ce qu’ils veulent montrer aux autres de leurs goûts, de leur façon de vivre ou de leur richesse. Les escaliers deviennent alors porte-drapeau ou support d’affiches, tonnelles recouvertes de vigne comme dans les pays méditerranéens ou supports de constructions de bois au moment de la Fête des cabanes. Ainsi va la vie sur le Plateau Mont-Royal et dans les quartiers de Rosemont, Petite-Patrie, Villeray, Ahuntsic… »
Françoise Ligier écrit : « […] avant le milieu du XIXe siècle, la population de Montréal vivait la plupart du temps dans des maisons unifamiliales au centre d’un terrain. La poussée démographique a progressivement incité à construire des maisons dites « en rangée », abritant, comme en Angleterre, une même famille sur plusieurs étages. Ces constructions, souvent en pierre, parfois en brique, pouvaient avoir un escalier extérieur menant à l’étage de réception : premier ou rez-de-chaussée surélevé. Mais, vers la fin du XIXe siècle, avec l’arrivée massive d’une population rurale venue en ville pour travailler dans les usines, il fallut construire pour loger des familles souvent nombreuses, en optimisant l’utilisation de l’espace habitable. Phénomène rare en Amérique du Nord dans l’histoire des villes, on a planifié, délimité des lots, standardisé la construction pour bâtir vite et à moindre coût. On édifia donc des maisons en rangée à deux, parfois trois, étages, occupés chacun par une famille. Pour minimiser les frais d’entretien et de chauffage, la largeur des façades fut réduite, les appartements construits en profondeur. Conscients que la cage d’escalier entamerait l’espace habitable, les constructeurs installèrent les escaliers à l’extérieur – comme un rappel de l’échelle qu’on retrouve dans l’histoire de beaucoup de villes ».
Bonjour Pierre,
D’abord: surprise! Des escaliers… Un thème singulier… Mais accolé au texte qui nous fait comprendre les raisons cette «architecture» c’est fascinant…
Je ne verrai plus les escaliers de la même façon…
J’ai visionné un reportage – TéléQuébec je crois – sur les arrière-cours ou ruelles de Montréal avec ses cordes à linge ses beautés cachées.
De toute beauté… C’est l’oeil du réalisateur qui nous «ouvre» une vision nouvelle sur ce monde.
Bonne journée!
Bonsoir Pierre,
Compte tenu de notre climat, je ne vois pas la logique à placer les escaliers à l’extérieur des habitations. Connais-tu la raison pour laquelle on a fait ainsi pendant si longtemps ? (Je pense qu’on ne construit plus ainsi.)
Gaëtan
Les escaliers et les cordes à linge nous caractérisent tellement. Je recherche et accumule les photos sur les cordes à linge pour en produire un prochain reportage photographique.
Gilles
La réponse à la question est, en partie, formulée par André Désiront de La Presse. Et vous avez raison sur cette mode des escaliers extérieurs :
Au milieu du XIXe siècle, lorsque les habitants des campagnes ont commencé à immigrer vers les villes, attirés par les nouveaux emplois créés par l’industrialisation, on s’est mis à construire les maisons en rangées de deux ou trois étages qu’on retrouve en si grand nombre sur le Plateau, dans Rosemont, dans Villeray et dans d’autres quartiers «populaires» de Montréal. Elles étaient étroites, toutes en profondeur. Ainsi, seuls la façade et l’arrière étaient exposés aux vents et au froid, ce qui permettait de réaliser des économies en frais de chauffage, mais aussi en dépenses d’entretien. Alarmés par la pression démographique qui remodelait le visage de la ville, les édiles municipaux montréalais ont formulé un règlement qui obligeait les propriétaires à conserver un petit espace vert devant les maisons. Ce qui a donné l’idée de placer les escaliers à l’extérieur. Ainsi, les propriétaires n’avaient pas besoin de chauffer des espaces communs intérieurs. Et, autre avantage important dans une société où les familles nombreuses étaient la norme, on optimisait l’espace habitable! En 1940, un règlement municipal adopté sous la pression d’élites soucieuses d’esthétique (mais ils invoquaient des questions de sécurité!) a interdit la construction d’escaliers extérieurs à Montréal. Le règlement a été révoqué en 1980, mais on ne construit plus beaucoup d’immeubles flanqués d’escaliers extérieurs de nos jours.
Je vous propose cette vidéo sur DailyMotion qui explique en complément cette tendance de construire des escaliers en façade des maisons.
Pierre R.
Comment fait l’architecte pour ne pas oublier un truc qu’il a à faire ? Il fait un nœud à son escalier ! 😀
Sinon Pierre, j’habiterais volontiers au 2804…
RV
Savoureuses réponses aux questions si souvent entendues dès le marche-pied des autocars de tourisme :
« Mais bon Dieu, pourquoi fichent-ils les escaliers à l’extérieur ? Ils doivent tous se casse la gueule, l’hiver !! »
Et puis les photos… toujours aussi magnifiques.
Merci.
Pierre,
Very interesting post and Daily Motion video. I find this fascinating and gives your city a unique cachet. I would like it there, but it’s so cold!!!
Thanks for the pictures 🙂
Catherine
RV
Je peux vérifier si le 2804 est libre et prendre une option pour votre prochaine visite 😉
Cowboy
Long time see you, cowboy. Je pense que les Montréalais ont développé un huitième sens de l’équilibre sur les glaces ou en descendant les escaliers. Ce qui n’est pas mon cas. Je suis une exception. ;-o
Catherine
Nous entrons dans une période de chaleur… atmosphérique et humaine, chère amie. Le printemps et l’été sont porteurs de tous les espoirs.
Pierre R.
Bonsoir Pierre R. ou plutôt bonjour… chez nous, c’est le soir,
Un tout grand merci pour le lien sur les escaliers.
C’est très gentil à vous de m’avoir indiqué votre lien.
Maintenant, je suis au courant. Vos photos sont magnifiques et me plaisent beaucoup ainsi que votre commentaire fort intéressant.
Je suis ravie.
Bonne fin de journée!
Denise
Pingback: Les marches du bonheur de l’hiver « Les beautés de Montréal
Pingback: Les escaliers de Montréal partie 1 « PandaBox33's Blog
Bonjour
Merci pour votre visite et votre lien. Bon reportage.
Pierre R.
Salut et merci pour ton article très intéressant !
Je ne sais pas si le blog est toujours article, mais bon, je pose ma question 🙂
J’écris un papier sur l’exposition « Vies de Plateau », et je voudrais savoir si tu pouvais me donner la référence exacte de l’article de Françoise Ligier que tu cites dans « Le français dans le monde ».
Merci beaucoup !