Observer un moineau? Non mais dites-moi que cela n’est pas vrai. Bien si. Pour des amis que je tiens en très haute estime, la chose est inutile. À quoi peut bien servir, dans une vie trépidante, l’exercice d’observer un moineau? Je réponds à cela : pourquoi pas lorsque la vie n’est plus trépidante? Observer un moineau, comme tout autre oiseau, devient un défi d’immobilisme. C’est dire à quel point nous sommes loin de la vie trépidante. Si le moineau bouge, se déplace, vous regarde d’un œil suspect, vous toise avec indifférence et combien de suffisance, il vous faut, vous, observateur de la scène, rester immobile, manipuler délicatement un appareil photo lourd, activer l’objectif zoom avec lenteur. Il vous faut presque, à la limite, interrompre votre respiration afin de ne pas faire le bruit fatal qui ferait fuir l’objet de votre curiosité. Un moineau, objet de curiosité. Ce qu’il ne faut pas entendre, me direz-vous? Je défends âprement mon point de vue. Ce petit moineau il est beau, il est gentil et il est mignon. Je l’ai défié, il m’a défié, j’ai gagné. Un court instant. Pitié pour mon petit oiseau. Et puis pour lui redonner sa dignité, je vous rappelle que Maupassant a eu ces beaux mots pour ce petit bipède : « Les moineaux se baignent dans l’arc-en-ciel dont le soleil enlumine la poussière d’eau des arrosages égrenée sur l’herbe fine ».