Dimanche a été une journée fertile, et cela, même si le soleil nous a faussé compagnie. Il me faudra faire le tri des 1300 photos prises de 05h00 à 19h00. Il me faudra rassembler le tout pour en constituer des thèmes digestibles au lecteur voyageur. Il me faut documenter le tout pour donner l’apparence d’être intelligent. Beaucoup de boulot en perspective. Et dire que je n’ai pas terminé de visiter le Vieux-Port. Je reviendrai le week-end prochain. Puisse le soleil, cette fois, être de la partie. Aujourd’hui, place au désordre. Soyez bienveillant ou bienveillante, ami et amie lecteurs. Rappelez-vous ces mots de Claudel : « L’ordre est le plaisir de la raison : mais le désordre est le délice de l’imagination ».
Après une longue et épuisante marche, rien de mieux que de s’asseoir dans un parc. Ilot de perceptions sensorielles au milieu de la cité. Arrêter, regarder, analyser, se remémorer pour l’émotion, rejeter par indifférence, tout est permis dans la solitude d’un parc. Capter ces instants si fugitifs les rendent parfois sympathiques à nos yeux, parfois distrayants à nos oreilles. Comme ces chasse aux pigeons qui protestaient hardiment contre ce coup de pied peu amène.
Dans un parc, il y a des moments de grâce qui illustrent mieux que mille mots le bienfait d’un instant de solitude mêlé au plaisir d’une pause. Regarder l’autre nous regarder. Équation dans les regards, croisement des regards, fuite rapide du regard. Tout est là dans cette joute de celui qui ou de celle qui m’a vu et que je regarde furtivement. Derrière l’objectif, il y a une certaine dissimulation pour fuir une gêne qui pourrait inhiber l’action du photographe. Bref, dans l’ordre des choses, je rejoins le philosophe Alain qui écrivait un jour : « Pour mon goût, voyager c’est faire à la fois un mètre ou deux, s’arrêter et regarder de nouveau un nouvel aspect des mêmes choses ». Tenter de saisir par un clic la dualité de l’immobilité sur l’action.
C’est Amedeo Modigliani qui disait si bien : « D’un oeil, observer le monde extérieur, de l’autre regarder au fond de soi-même ». Ces visites improvisées au parc du centre-ville en est une illustration vivante.
A l’issue d’un tel billet, je comprends pourquoi il me serait difficile de vous passionner pour une longue promenade dans une forêt vosgienne : les sapins, ces temps derniers, ont le regard fuyant et la conversation monocorde ! 🙂
RV
1300 photos (!!!) et une parfaite synthèse.
Hervé
Entre le plaisir de visiter les forêts vosgiennes et celui de vivre à Montréal, en urbain que je suis, je crois bien que je serais malgré tout un promeneur curieux qui chercherait le sexe des arbres avec son appareil photo. Dans mon cas, l’instrument fait le touriste 😉
Popelina
Toujours un bon mot. Deux cartes mémoires de 16 gigaoctets de photos, c’est un défi. Imaginez la situation. Parce qu’il faisait beau sur Montréal, je suis retourné au Vieux-Port pour compléter quelques prises sur des sujets à venir. Un peu maniaque, non ?
Pierre R.
Salut Pierre,
1300 photos… As-tu déjà songé à prendre en vidéo ? Je dis cela parce que souvent tes photos sont des séquences narratives, par opposition à d’autres qui sont des compositions autonomes.
Gilles
Mon métier m’a amené pendant des années à concevoir l’art en termes de vidéo. Réalisateur de télévision, j’ai côtoyé la télévision et ses effets pendant plus de vingt ans. Mon défi aujourd’hui est de traduire un mouvement dans une image fixe. De traduire, autant que possible, la réalité quotidienne à travers un simple cliché. Mon cher ami, j’y trouve tant de satisfaction. La question que je me pose fréquemment est bien évidemment de savoir si je réussis ou non ce défi que je m’impose. Je me sens comme un artiste qui aurait délaissé la vidéo pour la peinture. Puisque je n’ai aucun talent de ce côté-là, j’ai opté pour la photographie. La photo urbaine. Le mouvement urbain. Des aspects que, pendant des années, je n’ai pas su voir parce qu’obnubilé par le travail. Je tente de reprendre le temps perdu.
Pierre R.
Ah… Je comprends. Well… À mon avis tu réussis la plupart du temps, une grande part. En effet le défi est grand mais réalisable.